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Un peu d'histoire avant la migration des carbonari italiens au début XXe siècle...
Valmascle est une commune de 60 habitants inclue dans la Communauté de communes du Clermontais. Située sur la petite rivière de la Boyne, sur l'axe Lodève-Bédarieux et la route de Cabrières. C'est un secteur assez encaissé qui lui vaut sans doute son nom de vallée rude. A l'origine : un groupement de plusieurs mas, les Combals, le Nouguier, le Rouet, le Liotard, le Gascou et les Liodres. Occupé au Mas Rouet dès le haut empire romain (fouilles de D. Espinasse- Drac)
Cette petite commune est cependant représentative des événements qui marquèrent l'histoire de la région...
carte IGN et archives en ligne AD 34
L’étude des recensements montre à quel point l’activité de la commune a suivi l’économie du département et par là-même de la région. Une région agricole où au XIXe les campagnes de l’arrière pays « vivent repliées sur elles-mêmes »[1]. Fin XIXe et début XXe, l’Hérault connaît deux vagues migratoires importantes : l’exode rural conjugué à l’essor de la viticulture dans la deuxième moitié du XIXe et les migrations étrangères début XXe.
L’arrivée des populations montagnardes à Valmascle se constate dès 1876 lorsque 23% de la population n’est pas originaire de la commune.
Valmascle est une petite commune, d’une surface de
[1] Maurin, Jules, “Les migrations en Languedoc méditerranéen, fin XIXe-début XXe siècle”, Recherches régionales, n° 4, octobre-décembre 1981.
Les Gavachs
Lorsqu’arrivent ceux que l’on nomme souvent les « gavachs », les nouveaux travailleurs de l’exode rural, la démographie est en forte baisse, de 120 habitants en 1856, elle est en vingt ans, descendue à 87 dont 20 nouveaux arrivants. Les nouveaux habitants sont travailleurs de la terre, cantonniers, domestiques et employés à gages. Bien sûr il y a des mariages entre communes voisines mais la natalité est en baisse et certaines années la mortalité infantile est élevée. Les registres d’états civils montrent à plusieurs reprises des familles décimées de 3 individus en quelques mois dans le même hameau.
En 1826, le père, le fils et le petit fils de la famille Siffre décèdent en 5 mois
En 1872, 3 individus de la famille Balp décèdent en 6 mois et pareil en 1896 pour la famille Poujol au Gascou.
En 1783, 4 décès de 4 enfants et 5 en 1808.
En 1817, 7 décès, dont 5 enfants de moins de 3 ans.
Malgré les nouveaux arrivants, la population continue à décroître…
Les registres d'état civil révèlent, sans les nommer, les épidémies qui ont ravagé la population, dans son milieu isolé. On relève des ondoiements pas nécessité pour péril de mort (1746 et suivantes) ou pour neige abondante, une enquête pour deux morts violentes par poison en novembre 1771 (champignons ?), une inhumation précipitée pour raison de forte chaleur en 1788 !
Les crises agricoles (les premiers espagnols)
Deux crises viticoles majeures frappent l’activité viticole fin XIXe. L’oïdium en 1851 suivi du phylloxera en 1860. En 1876, il faut renouveler le vignoble et la demande main d’œuvre est importante.
« On estime à 20 000 le nombre de saisonniers ibériques au début du XXe siècle. D’abord logés dans le domaine, nombre d’ouvriers agricoles permanents accèdent, au bout de quelques années, au statut de métayer ou de fermier, et deviennent propriétaires de leur logement »[1] En 1936, Valmascle recense une famille de 5 espagnols, les parents sont fermier et ouvrier agricole.
Cette demande est satisfaite avec l’arrivée conjointe des migrants espagnols et
Des migrations régionales du à l’exode rural.
A son échelle, la commune de Valmascle est concernée par cet apport de main d’œuvre : en 1876 : 23% de sa population est extérieure à la commune, en 1926 : 63% et en 1936 : 74,5%.
La rubrique « Vignobles du midi » de l’annuaire de 1922[2] enregistre pour Clermont de l’Hérault, une récolte moyenne de 60 000 hectos pour
Les cépages sont : Aramon,Aspiran, Alicante-Bouschet, Terret et du mélange à la cuve. Ce sont des « bons vins demi-montagne, ayant assez de corps et un joli rouge, de 10 à 11° »
Valmascle est une commune de cultivateurs, d’éleveurs laitiers et d’exploitants forestiers, à une altitude moyenne de
Mais en 1815-1816, le prix des vins va considérablement augmenter, c’est à cette période que s’implantent les immenses plantations de vigne autour de Béziers, Lunel et Marsillargues. Milieu XIXe, l’Hérault est le premier producteur de vin français[3].
En 1926, apparaît le premier viticulteur recensé en tant que tel, ils seront 9 en 1931. L’annuaire de l’Hérault de 1926 place le vin en première principale production de Valmascle, suivi du blé, du bois de chauffage et du lait pour fromages avec 3 principaux domaines : le Rouet avec l’exploitation de Marius Nouguier, les Liodres pour D. Salasc et Valmascle pour E. Combal.
[1] Deux siècles d’immigration Languedoc-Roussillon de Suzana Dukic (revue française de référence sur les dynamiques migratoires - Histoire des immigrations. Panorama régional - Volume 2 p.67-87)
[2] Annuaire 1922 p. 118 de « Vignobles du midi »
[3] Bulletin de la société d’agriculture de l’Hérault en 1838.
Aujourd’hui, il reste les vignes bien exposées et toujours cultivées du Mas Rouet. Les anciennes vignes en friche se traversent entre le village et le hameau du Liotard, sur le coteau pentu.
La migration des charbonniers italiens
Elle est perceptible à l’échelle de l’activité de la commune avec les familles de 4 italiens en 1926 et de 4 en 1931. La commune a besoin de bûcherons et de charbonniers pour exploiter le bois. Or, début XXe siècle, la situation économique du Nord de l’Italie, en particulier du Piémont, de Lombardie, est en crise de déforestation ce qui va fournir une main d’œuvre experte au Sud de la France.
LES CHARBONNIERS DE VALMASCLE
Les premiers charbonniers ...
Au XVIIIe, avant cette migration de main d’oeuvre italienne, des charbonniers avaient fondé familles à Valmascle, des charbonniers qui n’étaient pas saisonniers et qui sont restés sur la commune plusieurs générations.
Il y eu les Balp, les Rascol et les Nourrigat.
André Balp arrive en 1777 à Valmascle, il vient de Vérénoux sur la commune de St Etienne d’Estréchoux, d’où sont ses parents. Deux ans plus tard, il épouse Louise, une fille de Guillaume Congras des Combals. C’est sur l’acte de décès de leur premier enfant en mars 1784 et le baptême du deuxième en 1785 que son activité de charbonnier est mentionnée. En 1785, Pierre-Fulcrand a pour parrain André Rascol, charbonnier, des Liodres.
En 1786, Jean-Pierre Balp du lieu de Vérenoux (parent ?) épouse Geneviève Ricard du Gascou.
En 1790, Pierre Nourrigat, charbonnier, déclare le décès de son fils âgé de 5 ans, de lui et de Marie Goudal.
Cette même année, Pierre Rascol, charbonnier, a un fils avec Anne Roche des Combals et Jean Rascol, charbonnier, une fille avec Marie Rougé des Combals.
En 1833, Marie Rougé décède, elle est veuve de Jean Rascol, charbonnier.
Ces patronymes Balp, Nourrigat, Rascol, témoignent d’une communauté familiale de charbonniers de Valmascle au XVIIIe. Ils ont fondé famille à Valmascle et le patronyme de « Balp » apparaît jusqu’en 1892 lors du mariage de Marie Balp avec Antoine Goudal.
Les carbonari de Valmascle
Si les espagnols travaillent au champ comme ouvriers agricoles, les italiens sont tous charbonniers ou bûcherons.
Au début XXe siècle, sévit une grave crise économique dans le nord de l’Italie. La Lombardie et le Piémont, terres d’exploitation forestière quasi ancestrale connait un déboisement jamais vu. Les habitants bûcherons et charbonniers ont une excellente réputation de travailleurs spécialisés et endurants, le métier se transmet de père en fils. Ils logent dans les bois sur place, ils sont organisés et efficaces, ils travaillent mieux et plus et sont très appréciés des patrons français.
Mais face à cette régression économique, ils entament une migration tout d’abord saisonnière puis temporaire. Ils migrent vers la Suisse et la France avant et après la première guerre mondiale. Ils partent souvent en famille et certains resteront définitivement.
C’est en 1926 que la première famille italienne est recensée à Valmascle. Ils sont 4, les parents, Zacchari et Giovana Michelli, âgés de 33 et 28 ans, sont tous les deux charbonniers. Ils viennent de Alto près de Coni dans le Piémont italien. Leurs enfants Luigi et Giovani ont 1 an et 3 ans, ils sont nés en France à Mourèze. Ils ne sont plus à Valmascle les années suivantes.
Cette année-là, il y a aussi un espagnol au Mas Nouguier, Pierre Soldeville, ouvrier agricole, âgé de 63 ans.
En 1931, est recensée la famille Ghisalberti[1]. Francisco a 40 ans, son épouse Guiseppina a 30 ans. Ils viennent de Zogno dans la région de Bergame en Lombardie. C’est une des régions d’Italie des plus touchées par le déboisement dont l’exploitation forestière est la principale et plus ancienne activité. Ils sont enregistrés au hameau du Liotard mais le maire précise « bûcherons habitant les bois ». Leurs enfants, Yolande a 9 ans elle est née à Narbonne et Catherine, 8 ans est née à Jogno en Italie. Ce qui confirme, leur présence en France au minimum 9 ans plus tôt avec un retour en Italie en 1923 et donc leur présence saisonnière. Ils travaillent pour un patron de Clermont l’Hérault, Lucini.
[1] AD 34 -
Ces familles italiennes ne sont plus à Valmascle en 1936. La patronyme de Ghisalberti est apparu à Vailhan, au Mas Rouch, à Fos et à Gabian. Ces travailleurs charbonniers italiens étaient des travailleurs saisonniers, cependant quelques familles sont restées en Fance.
(Marie-Christine Matray)